Pour qui suit avec attention la construction de
l'œuvre littéraire de Bertrand Leclair, il est aisé d'y apprécier la richesse
des variations autour du thème de la condition humaine. Pour qui exerce son
regard sur cette condition avec l'œil de la psychanalyse, il n'échappera pas
que le travail littéraire de cette œuvre excelle, tout autant voire mieux que
la conceptualité analytique, à en saisir toute la complexité.
Par la ville,
hostile est à cet égard un véritable
coup de génie tant l'exercice d'imagination déploie avec justesse l'interaction
(qui échappe trop souvent aux littératures contemporaines) des champs de la
subjectivité individuelle et du politique.
Une voix, celle d'une femme (1) désormais recluse dans le déni de toute mondanéité
possible, dans une ville-monde qui fabrique cette hostilité-là, ce soi en
colère qui ne s'appartient plus, qui s'entend ne plus vouloir s'appartenir, qui
se crache. Une voix, portée par la magie du style de Bertrand Leclair,
lancinante, pulsionnelle, prise dans l'obsession de la disparition. Une voix
qui trame un écho de peur dans les consciences affaiblies, une voix-fantôme qui
hante les fantasmagories délétères, celles qui fabriquent un monde hostile à
lui-même.
(1)
Quatrième de couverture:
Une femme est seule chez elle, immobile sur un fauteuil, dans un appartement
presque vide. Plus de rideaux aux fenêtres, plus de télé, plus de canapé. Elle
attend qu’on vienne la jeter dehors.
Puisqu’on va l’expulser. Elle le sait et elle ne veut pas, le savoir. Elle
voudrait juste chasser les mots, ne plus penser, et surtout pas à ses deux
enfants qu’elle ne va plus jamais voir, au parloir de la prison. Elle ne leur a
rien dit de l’expulsion qui se prépare, ultime conséquence de leur condamnation
pour trafic de drogue…