mardi 6 octobre 2015

A l'impossible pensée de la mort, la jouissance toujours participe.



 

L'écriture, les livres qui font l’oeuvre de Bertrand Leclair ne cessent de surprendre le lecteur qui accepte l’épreuve d’un descellement, d’une déroute. Une oeuvre conséquente et variée qui use de l’essai, du récit et de la fiction dans une unité de préoccupation où le désir et ses variations occupent une place forte, servis par une langue précise, tendue, captivante.

La Villa du Jouir se saisit de ce fondement du sujet, de l’être-désirant, sous la forme de son acmé en la figure de la jouissance sexuelle. Un texte érotique qui n’échappe pas lui même à cette « Théorie de la déroute » (1) où Bertrand Leclair convoque son écriture et le projet de la littérature.

 

Le texte installe une inversion du code qui gère les habitudes du genre, là où la jouissance féminine tient lieu de fonction scopique altérée et réduite au seul regard de l’oeil mâle. La jouissance masculine devient donc dans La Villa du Jouir l’objet de toutes les attentions dans une dialectique du regard qui excède toutes les préoccupations perverses comme celle qui pousse pour Pierre Klossowski le Marquis de Sade à n’étudier que les formes perverses de la nature humaine et prouve qu’une seule chose lui importait : la nécessité de rendre à l’homme tout le mal qu’il est capable de rendre ».

Une dialectique de l’érotisme qui se présente plutôt, me semble t-il, comme une ouverture entre les ouvertures pour accéder tant soit peu au vide insaisissable de la mort  tel que le disait Michel Leiris à propos de la fonction érotique chez Georges Bataille.

 

Une mort qui s’hameçonne au fil d’une séduction trompeuse. Celle de l’écriture impossible dans le temps même de l’expérience de la jouissance. Marc écrira seulement dans l’après-coup de l’expérience, écrire pour revivre l’histoire à défaut de la vivre toujours et maintenir encore et toujours le réel du jouir à la fiction du sens, jouis-sens.

C’est ainsi que Bertrand Leclair convoque la littérature.



(1) Bertrand Leclair

Collection Verticales, Gallimard

Février 2001

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