lundi 23 novembre 2015

Psychanalyste, psychothérapeute : les marques d’une différence.


 

Du côté du savoir.

 

L’acte psychanalytique marque sa différence de toute pratique psychothérapique par la nature de l’écoute où s’entend la demande inaugurale des personnes en souffrance, et par la manière d’y répondre.

Le psychothérapeute répond à la plainte du « mal de vivre » par une localisation dans son « savoir » des causes de la souffrance de l’autre, et définit le moyen qui convient à sa résolution en quête d’une adhésion susceptible d’en rendre opératoire le « traitement ».

En psychothérapie le « savoir » est du côté du psychothérapeute.

Le psychanalyste ne répond pas en terme de « savoir » à la « vérité » de la plainte, car dans cette manifestation initiale la souffrance psychique qui y réside est intimement liée à un déficit de parole.

En s’abstenant de répondre ainsi à la demande, le psychanalyste ouvre l’espace d’une parole pour le sujet, propre à lui permettre de découvrir les évènements de sa vie où se nouent les causes ignorées de sa souffrance.

En psychanalyse le « savoir » est du côté de l’analysant.

dimanche 15 novembre 2015

Les réels minuscules de Thomas Stangl.



 

 

"Dis quelque chose,

demande Georg,

n'importe quoi;

tu ne parles pas comme les autres,

tu parles comme si tu chantais."

 

 

Cette injonction du dire de Georg à Emilia dans Ce qui vient de Thomas Stangl me semble être une des exigences où l'auteur lui-même se trouve engagé dans la langue qu'il écrit. Une langue qu'offre au lecteur français la traduction sans trahison d'Edith Noublanche et que publient les Éditions du sonneur.

jeudi 12 novembre 2015

Paternité.


  

Concours Radio France de la micro nouvelle

Le livre dans ma vie

(1000 signes espace compris)

 
Cela faisait une éternité. Deux ou trois échanges téléphoniques avaient ponctué ce temps qui me semblait long. Je le savais vivant, maîtrisant son avenir, ne lâchant rien sur ses désirs. Musique, dessin, lecture et des boulots sans nom de métier. Ah si, j’oubliais : éboueur, DJ, théâtreux de rue. Il ne trouvait pas de créneaux dans son emploi du temps pour une petite visite.

mardi 10 novembre 2015

Frictions de fictions.




Ceux pour qui la littérature contemporaine est un objet d’attention trouveront à se réjouir de l’essai d’Isabelle Grell consacré à L’autofiction et publié dans la Collection 128 des Editions Armand Colin.

Il y a dans ce travail minutieux la mise en perspective d’un geste littéraire où ne trouve pas à se constituer de doxa.

Il y a là une étude sériée qui laisse entrevoir la multiplicité des variations où s’ébauchent les écritures du sujet.

jeudi 29 octobre 2015

Vers le sud de Laurent Cantet.


 

Il ne serait peut-être pas vain, en reprenant l’histoire de ce chemin où nous mène Vers le sud, de ne pas perdre complètement le nord. Car somme toute, le nord c’est bien le lieu de notre résidence habituelle, et de toutes les hégémonies.

Nous aurions peut-être tout intérêt à comprendre d’abord le grand écart exotique qu’il nous joue, notre nord, ici même, à domicile, sur les questions refoulées  de la psychogenèse et du sexuel, du désir et de son objet, de la pulsion et de son destin, de la jouissance et de notre socialité hypnotisée par le spectacle et la marchandise. Nous verrions peut-être mieux, ainsi assuré de ce bagage de savoir local, s’il est opportun de nous engager comme ces femmes dans des voyages lointains,  coûteux, et au fond si peu exotiques.

mercredi 28 octobre 2015

Descriptions de Christine Lapostolle : Michel, psychanalyste.


Préambule. Longtemps, j’ai eu quelques difficultés pour répondre à la sempiternelle question :
- Vous êtes psychanalyste, quel métier passionnant ! ...
Mais de quelle formation êtes-vous ? 
Il m'aurait fallu annoncer médecin-psychiatre de formation, pour être au sommet de l'acceptable, mais je n'étais que philosophe. Alors je m'amusais à des parades qui, faites d'humour dans un premier temps, devinrent peu à peu de sérieuses revendications. J'étais tour à tour plombier-zingueur de formation, boucher-charcutier de formation ou bien boulanger-pâtissier de formation.
...

http://www.christinelapostolle.fr/mes_descriptions/022_michel_description.html

 

mardi 27 octobre 2015

Il y a une éternité.





Nous venions de l’accompagner vers sa dernière demeure. J’attendais que la foule silencieuse s’éloigne. Je voulais rester seul à ses côtés. Lui dire sans chuchoter que je l’aimais encore.

Lorsqu’en fin d’après-midi je le quittais, avec pour seul compagnon le craquement de mes pas sur le gravier blanc des allées, les tombes innombrables et proches comme des bateaux au port ondoyaient à la brise qui doucement annonçait la fraîcheur du soir.

Baby blues.



« Tu la vois ? Tu la vois toujours ? Tu la vois encore, et hop, tu ne la vois plus ! »
 
 
 

Et il y eut comme un grand bruit de gamelle. Une sorte de bling-bling populaire. La petite balle de liège avait bel et bien disparu dans un ultime coup de barre. Je regardais mon bourreau et sa figure de mauvais songe. Lentement, très lentement, ce sadique tirait vers lui la dernière pastille bleue qui marquait le score. Elle officialisait la fin de la partie et remballait mon désir de victoire.

vendredi 16 octobre 2015

Au 5 rue d'Lille Paris 7ème.


 
 

J’en ai bavé des escargots à la Calèche, des ronds d’chapeaux dans les silences au 5 rue d’Lille.

Je venais d’loin.

Du fond d’un trou

Entre Bunzac et Saint-Sornin.

Pays des fous, pays du vin, pays des gens qu’ont pas d’chagrin.

jeudi 15 octobre 2015

Pouet pouet tagada tsoin tsoin.


Reflets.

Vive est la rose, esquisse
De tes lèvres, posée
Sur la nappe de dentelle
Et la table patinée
Des jours de l'absence.
Pétales, pommettes rosées

mardi 13 octobre 2015

Trilogie parisienne.


Un dîner en ville (I)


Il était deux ou trois heures du matin. Je ne sais plus. Les rues du Quartier Latin fumaient encore des affrontements de la veille. Quelques CRS déambulaient à la recherche de leurs fourgons malmenés par les manifestants. Sur la chaussée, des pavés épars interdisaient toute circulation. Des jets sporadiques laissaient entendre des bris de vitrines. Des ombres couraient le long des murs. Paris Capharnaüm retenait son souffle. La France entière s’apprêtait à jouer la partition de cette exubérance.

lundi 12 octobre 2015

Nativité cinquante et quelques.






Ma trilogie personnelle des romans de Lionel-Edouard Martin s’achève avec la lecture de Nativité cinquante et quelques. Après Mousseline et ses doubles, Anaïs où les Gravières, une lecture donc à contre-courant du temps de l’écriture. Mais qu’importe ce peu d’attention à l’idée d’une chronologie tant il me semble que la temporalité joue dans l’oeuvre de Lionel-Edouard Martin une toute autre partition que celle d’une durée bien tempérée.

Passeur de lumière.



La peinture de Jean-Paul Ingrand est une invitation au voyage.
Un cheminement dans une palette de couleurs dont la lumière est l’âme éclatante.
Le promeneur qui s’engage dans le chemin tracé pas à pas par le travail du peintre est pris tout d’abord par l’esthétique du trait où la matière s’avance, brutale et nue, compacte et mouvante, claire, obscure. S’il continue sa marche, il lui faudra rythmer son pas dans le tempo de l’œuvre, tranquille et décidé. Il devra accepter de laisser sur le bord du chemin les urgences du présent qui le tiennent dans l’oubli de lui-même.
Il devra prendre son temps, être attentif.

samedi 10 octobre 2015

Est-ce bien là Guy Debord qui refait son cinéma sur l'écran noir de nos nuits blanches ?




 « Je crois que j’ai eu tort de déclarer, après l’assassinat de Gérard Lebovici, « qu’aucun de mes films ne sera plus projeté en France ». Cette restriction ne se justifiait guère, et n’a été mise en avant que pour marquer l’ignominie particulière étalée à cette occasion par la presse française. Naturellement, j’aurais dû dire : jamais plus et nulle part. Vous savez que j’ai toujours été très mal vu, et à bien juste titre, par tout le milieu du cinéma. « 

 Le nom de Guy Debord est réductivement associé à son ouvrage La Société du Spectacle. Comme si cette étreinte forcée d’un nom et d’une oeuvre manifestait une intimité suspecte et étanche à quelque universalité. Pour preuve, il ne se manifeste aujourd’hui aucune intelligence tardive ou repentie pour clamer que cette somme de lucidité historique a été oubliée dans le temps même où l’Histoire en vérifiait la parfaite exactitude.

Une autre étreinte, tout aussi embarrassante que suspectée, est celle de Guy Debord et de l’Internationale situationniste (1958-1969). Une étreinte passionnée prise dans le cercle de la nuit, où notre époque, consumée par le feu incendiaire de la résignation achevée, ne cesse pas de s’enfermer. Pour preuve, il ne se manifeste aujourd’hui aucune intelligence en acte pour dire « Ils voulaient tout réinventer chaque jour ; se rendre maîtres et possesseurs de leur propre vie. »

mercredi 7 octobre 2015

Mandelstam mon amour.



 
 
Ce jour-là, j’arpentais les rues de la grande ville inconnue.

Le soir approchait. La grande ville inconnue semblait vivre derrière un mur de silence. Des ombres courbées glissaient furtives le long des façades. Quelques mots tremblaient des murmures inquiets. Je feignais de ne pas les entendre. Je passais mon chemin. La peur déformait les visages qui se laissaient entrevoir.

Depuis l’aube, je cherchais des parcs de verdure, des rues bordées d’arbres, des fontaines de fraîcheur, des rires vibrants au cœur des places, des bancs où asseoir mes désirs de rencontre.

mardi 6 octobre 2015

"L'insu que sait de l'une bévue s'aile à mourre". Pensée nomade.


 

Yves Charnet est un immense écrivain. Il vient dans le Panthéon de mes goûts s’accoter à d’autres de nos contemporains, tels Pascal Quignard, Pierre Michon, Pierre Guyotat, Pierre Bergounioux… , qui ont tous cette constante et douloureuse préoccupation de la langue, bien plus douloureuse préoccupation que celle de la vie même. Et si philosophiquement le titre de ce texte me parait indépassable, littérairement « La tristesse… » d’Yves Charnet est malgré tout ce poids de la pensée une ode à la vie.

A l'impossible pensée de la mort, la jouissance toujours participe.



 

L'écriture, les livres qui font l’oeuvre de Bertrand Leclair ne cessent de surprendre le lecteur qui accepte l’épreuve d’un descellement, d’une déroute. Une oeuvre conséquente et variée qui use de l’essai, du récit et de la fiction dans une unité de préoccupation où le désir et ses variations occupent une place forte, servis par une langue précise, tendue, captivante.

La Villa du Jouir se saisit de ce fondement du sujet, de l’être-désirant, sous la forme de son acmé en la figure de la jouissance sexuelle. Un texte érotique qui n’échappe pas lui même à cette « Théorie de la déroute » (1) où Bertrand Leclair convoque son écriture et le projet de la littérature.

Ce : meurs et deviens !


Je veux louer le Vivant

Qui aspire à la mort dans la flamme.

Et tant que tu n’as pas compris

Ce : meurs et deviens !

Tu n’es qu’un hôte obscur

Sur la terre ténébreuse.  

Goethe



Dans ce texte en patchwork, où onze alterfictions déploient leur destinalité d’être pour la mort, Françoise Limiñana nous entraîne dans l’intimité de la question de la lisière, où Certes l’intensité du temps vécu alors est grande, comme si la proximité de la mort pesant de toute sa menace et de toute son irréversibilité aidait, parfois bien tard, à sentir le prix du temps et des choses, à découvrir le chemin des mots qui jamais ne furent dits, à révéler les gestes que la pudeur retint. Comme si, lorsque la marge de l’attente s’amenuise, quand les projets d’être se consument aussitôt ébauchés, quand s’impose l’imminence d’un bouleversement absolu de la vie, l’homme retrouvait le sens du caractère précieux et unique de chaque instant, comme s’il avait enfin le temps (Catherine Chalier – La persévérance du mal). Onze variations du temps où chaque personnage décline, dans la variété de son style propre, un être-là en quête d’un réel impossible à saisir qui prendrait le visage tant redouté de la mort. Onze chants qui fredonnent aussi les fictions multiples où la vie elle-même s’épuise à dire le sens qu’elle recèle.

 

Françoise Limiñana, au plus proche du réel de son expérience professionnelle, offre au lecteur dans cette fiction élégamment construite les variations d’un style d’écriture sans pathos. Alertes et vifs, émouvants d’humanité, rieurs aussi, ses mots viennent percuter nos sensibilités écorchées par la question souvent refoulée de notre propre finitude.

De quoi HYROCK est-il le nom ?



HYROK est le nom offert par hasard à la nécessité d’une écriture.


J’entends… à faire résonner ce nom HYROK : « hautes roches », « sommets » que j’imagine accessibles par des faces multiples comme autant de destins différents promis à ceux qui s’engagent dans les voies de l’écriture.
Mais HYROK est aussi et surtout l’une de ces ascensions où le roman, comme la corde pour l’alpiniste, se déroule au soutien de cette nécessité. Une expédition lourde (500 pages et plusieurs camps de base) vers les plus lointains et hauts sommets de l’imaginaire, vers l’histoire de ce « rien » que je me propose de vous faire partager…

Sommes.





Lecture : « On est tous les trois assis, moi Papa, Maman.» page 71

Il y a toujours dans les grands textes une phrase lame qui contient toutes les autres. Une phrase lame qui saisit l’âme du lecteur et le conforte par son tranchant dans les bienfaits de la déroute où il s’est engagé et dont la littérature devrait sans cesse être le lieu de la pratique voire celui de la théorie.

Excès interprétatifs d'Anaïs ou les Gravières.


 
 
 
Elle est venue me consulter pour dire qu’une succession de pertes rendait son existence vide de sens. La perte d’une « Anaïs », à l’âge qu’on dit de raison, marquait, pour cette mère, d’un poids démesuré et momentanément sans recours la possibilité d’un sursaut. Les mots eux-mêmes, dans la vie de tous les jours, ne trouvaient plus, chez ce professeur de lettres, de force ni de destinataire. Elle leur cherchait une autre scène dont mon adresse, pour ce qu’elle en savait confusément, ouvrirait l’espace. Cette « autre scène », bien sûr, j’avais fait le choix d’en organiser le praticable où cette future analysante me convoquait sans ambages.

Petit billet Mousseline.





Double, déjà, avant de naître. Faussement jumelle. Séparée, déjà, du désir de l’autre originaire. La mère morte. Enfance enfuie, déjà, hors de la structure nucléaire. Sans nom du père.

C’est ainsi que se présente à la vie Marielle avant que Mousseline et ses doubles ne se présentent au monde, à nous, par l’entremise de l’admirable écriture de Lionel-Edouard Martin où s’engagent les mots et le pari de la littérature. Surseoir au désastre de l’ex-sister. Car C’est au fond ça, la littérature: la mise en mots, bien orchestrée, sonnant juste, de ce qui bouge en nous, mais qui refuse d’en sortir – ce que mon Joseph appelait « l’enfance ».

lundi 5 octobre 2015

Petit cri primal.

C’est un beau cadeau qu’offrent à la littérature les Editions Le bateau ivre en publiant Tess et Raoul précédé de Breuilles. Faire le pari de la langue et de la déroute qu’elle porte en elle comme le projet même, perpétuel, de la littérature, c’est bien ce à quoi convoque l’écriture viscérale et féconde de Cécile Delalandre.
Une écriture qui ne masque pas sa source primale, originaire, là où Ma première défense fut un cri, un cri comme un morceau sorti de mes entrailles et dont le son me plut et dont le texte dans son corps de patchwork éclaté cherche inlassablement dans les sonorités multiples de notre humanité l’unité fuyante de notre condition d’Être. Les mots, ici, se saisissent de l’être-là obscur et brutal des choses et participent d’une littérature de leur torsion, de leur dévoilement. Tel un mercremanche peut-être où Entre chiens et loups je me fais chat pour dérober à la nuit la lueur de ses ombres.
Il y a là nichée dans l’écriture une phénoménologie réinventée qui adoucit et brutalise d’une même lucidité la conceptualité où nous tenait jusque-là dans une réclusion pantoise la discipline philosophique. Déroutement, donc, où la pensée littéraire de Cécile Delalandre me convoque pour mon plus grand bien et je l’espère celui de ses nombreux lecteurs.

Pour le reste on ne sait rien.