L'écriture, les livres qui font l’oeuvre de
Bertrand Leclair ne cessent de surprendre le lecteur qui accepte l’épreuve d’un
descellement, d’une déroute. Une oeuvre conséquente et variée qui use de
l’essai, du récit et de la fiction dans une unité de préoccupation où le désir
et ses variations occupent une place forte, servis par une langue précise,
tendue, captivante.
La Villa du Jouir se saisit de ce fondement du
sujet, de l’être-désirant, sous la forme de son acmé en la figure de la
jouissance sexuelle. Un texte érotique qui n’échappe pas lui même à cette « Théorie
de la déroute » (1) où Bertrand Leclair convoque son écriture et le projet
de la littérature.
Le texte installe une inversion du code qui gère
les habitudes du genre, là où la jouissance féminine tient lieu de fonction
scopique altérée et réduite au seul regard de l’oeil mâle. La jouissance
masculine devient donc dans La Villa du Jouir l’objet de toutes les attentions
dans une dialectique du regard qui excède toutes les préoccupations perverses
comme celle qui pousse pour Pierre Klossowski le Marquis de Sade à
n’étudier que les formes perverses de la nature humaine et prouve
qu’une seule chose lui importait : la nécessité de rendre à l’homme tout
le mal qu’il est capable de rendre ».
Une dialectique de l’érotisme qui se présente
plutôt, me semble t-il, comme une ouverture entre les ouvertures pour
accéder tant soit peu au vide insaisissable de la mort tel que le
disait Michel Leiris à propos de la fonction érotique chez Georges Bataille.
Une mort qui s’hameçonne au fil d’une séduction
trompeuse. Celle de l’écriture impossible dans le temps même de l’expérience de
la jouissance. Marc écrira seulement dans l’après-coup de l’expérience, écrire
pour revivre l’histoire à défaut de la vivre toujours et maintenir encore
et toujours le réel du jouir à la fiction du sens, jouis-sens.
C’est ainsi que Bertrand Leclair convoque la
littérature.
(1) Bertrand Leclair
Collection Verticales, Gallimard
Février 2001
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